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Le bois des CAAF est-il subventionné?Avril 2002

LE BOIS DES CAAF EST-IL SUBVENTIONNÉ?

 

Dans le débat opposant les industries canadiennes et américaines du bois-d’œuvre, comment le citoyen ordinaire peut-il séparer le vrai du faux? Officiellement, ce litige tourne autour de la valeur marchande du bois sur pied (VMBSP). Les américains estiment que les gouvernements provinciaux vendent le bois debout du domaine public à rabais, ce qui constituerait une subvention déguisée.

 

Afin d’y voir plus clair dans le cas du Québec, nous allons porter un regard d’évaluateur en procédant à deux vérifications simples qui doivent être considérées comme un tout. La première partie portera sur les revenus au propriétaire foncier tandis que la deuxième portera sur le coût des approvisionnements aux usines bénéficiaires de CAAF.

 

Mise en garde : dans un article aussi restreint, il est impossible de présenter l’ensemble des concepts débattus depuis des décennies. Pour simplifier, nous n’entrerons pas dans le détail de la démarche de calcul des redevances. Nous concentrerons nos efforts sur la comparaison des deux situations, la forêt privée et la forêt publique.

 

Vérification des revenus au petit propriétaire de boisé (Privé Vs État)

La première démarche porte sur l’étude des revenus au propriétaire. Pour l’illustrer, nous utiliserons les billots de 8 pieds en sapin et épinette comme étalon de mesure.

 

Le tableau 1, présente les revenus au propriétaire de 4 régions. Nous avons contacté les Syndicats de producteurs de bois concernés afin d’obtenir le meilleur prix payé en bordure du chemin de camion. De ce prix de vente, nous soustrayons les coûts d’opération estimés arbitrairement à 50 % ainsi que les coûts de tenure (eux aussi arbitraires). Une fois les données converties en dollars par mètre cube solide, nous pouvons apprécier les différences avec les redevances forestières payées pour les bois des forêts publiques adjacentes.

   

Tableau 1

Comparaison des revenus au propriétaire foncier (à considérer avec le tableau 2)

 

Québec

Côte-Sud

Bas-St-Laurent

Estrie

Zone de tarification

# 304

# 301

# 101

# 501

 

 

 

 

 

Maximum payé au chemin ($/cd 8pi)

280,00 $

280,00 $

230,00 $

275,00 $

Revenus bruts ($/cd 8 pi)

140,00 $

140,00 $

115,00 $

137,50 $

Coûts de tenure moyens[1]

5,00 $

5,00 $

5,00 $

5,00 $

VMBSP ($/m3) (Petit propriétaire)[2]

24,17 $

24,17 $

18,96 $

23,65 $

 

 

 

 

 

Redevance forestière ($/m3)

16,58 $

17,24 $

17,87 $

15,59 $

Différence VMBSP/redevance

31 %

29 %

6 %

34 %

 

Cette étude partielle des revenus au petit producteur nous amène à penser que le propriétaire d’un petit boisé privé recevrait plus d’argent que l’État, lorsqu’il obtient le prix maximal, pour sa matière ligneuse. Les écarts iraient de 6% à 34% selon les régions. Notons que dans le cas d’un commerçant, les différences deviendraient plus faibles.

 

Vérification du coût d’approvisionnement pour le bénéficiaire de CAAF

La deuxième vérification porte sur le coût d’approvisionnement. Dans le tableau 2, nous avons comparé des coûts de bois rendu à l’usine. Nous ajoutons au montant de la redevance forestière les coûts relatifs à la détention du CAAF. Ces coûts[3] se composent des frais de protection des forêts, du fonds forestier, de la construction de chemins, de la récolte, du transport du bois ainsi que tous les travaux de planification et de suivi.


Tableau 2

Comparaison des coûts de bois rendu à l’usine ($/m3)

 

Québec

Côte-Sud

Bas-St-Laurent

Estrie

Zone de tarification

# 304

# 301

# 101

# 501

 

 

 

 

 

Redevance forestière (forêt publique)

16,58 $

17,24 $

17,87 $

15,59 $

Total des autres coûts (forêt publique)

47,99 $

45,01 $

41,20 $

46,57 $

Coût total (forêt publique)

64,57 $

62,25 $

59,07 $

62,16 $

 

 

 

 

 

Prix maximum livré de la forêt privée

67,87 $

67,87 $

56,56 $

65,61 $

Différence forêt publique/forêt privée

-5 %

-9 %

4 %

-6 %

 

Lorsque l’on compare le total des coûts en forêt publique avec celui des forêts privées, les différences notées dans la vérification précédente (tableau 1) sont beaucoup moins importantes. En effet, les écarts sont plutôt de l’ordre de -9 % à +4 %. Cette marge d’erreur est plutôt faible compte tenu du nombre de facteurs de conversion et des valeurs moyennes utilisées dans la démonstration. Vu sous cet angle, on doit conclure que le bois des forêts publiques n’est pas subventionné.

 

Cette conclusion se voit renforcée par la nature de certains autres coûts considérés tels : la construction de chemin, la protection des forêts et le fonds forestier. Ces sommes sont en fait des revenus additionnels pour l’État. Il s’agit d’améliorations à l’immeuble ou encore de dépenses pour le maintien de son état. En évaluation immobilière, on les appelle des améliorations locatives ou encore des dépenses d’entretien payées par le locataire qui, à terme, bénéficient à son propriétaire.

 

Autres facteurs à considérer

Ces vérifications simples peuvent laisser penser qu’il y a des régions où le bois des forêts publiques est plus économique. Cette économie devient relative lorsque l’on considère tout le contexte. Le détenteur de CAAF doit transformer la totalité du volume de bois récolté peut importe son diamètre ou sa qualité, ce qui augmente ses coûts.

 

À l’opposé, le bois des forêts privées est sélectionné. Il offre généralement une meilleure qualité puisque le propriétaire aura éliminé les défauts. Si d’aventure les critères de qualité n’étaient pas rencontrés, une livraison donnée pourrait être refusée.

 

Conclusion

Un observateur qui regarderait seulement le revenu au propriétaire foncier (tableau 1) pourrait croire à un avantage pour le bénéficiaire de CAAF. Par contre, l’observateur averti qui considérera la situation globale du bénéficiaire, soit la totalité des coûts relatifs à l’approvisionnement (tableau 2), sera plutôt d’avis que le bois des CAAF n’est pas subventionné par l’État.

 

Marco Fournier, ing.f., É.A., M.Sc.

Rédigé en avril 2002



[1] Dans le coût de tenure, on peut considérer les taxes municipales, le prélevé du Syndicat de producteur, les frais de mise en marché, etc. Il s’agit d’un montant établi de façon arbitraire.

[2] La VMBSP calculée pour le petit propriétaire est différente de celle du commerçant de bois. Ce dernier doit considérer une marge de profit et risque ainsi que des frais financiers, ce qui l’amène à payer environ 21,75 $/m3 pour le bois debout selon les résultats de nos enquêtes.

[3] Ces coûts sont tirés du modèle de calcul des redevances du ministère des Ressources naturelles, Gazette Officielle du 29 avril 2002. Nous avons validé certains coûts avec des bénéficiaires.

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